vendredi 10 septembre 2010

Premier état de la réécriture d’En Mer de Maupassant, en vers de Sylvie Nève

19 septembre à 17h, Boulogne-sur-Mer


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Journées du patrimoine à Boulogne-sur-Mer


Une saurisserie des années 50 (juste derrière l’usine Findus) se transforme en lieu culturel par la grâce énergique d’Amélie Codugnella-Cerise ! Elle me demande d’aller voir chez Maupassant tel conte de la Bécasse qui commence par une allusion directe à Boulogne-sur-Mer – accepterai-je de le travailler en vue d’une lecture publique à l’occasion des journées du patrimoine… Y regardant de plus près : hasard objectif, j’y trouve ce que je voulais ex-penser cette année : après les relations de deux sœurs dans Barbe bleue, le lien, ambigu, entre deux frères. En route, donc, comme dirait Huysmans, mais je ne disposais que de deux mois – comment s’y prendre ? Expérimenter une autre manière de réécriture ? En Mer est une courte prose : la transposer en vers dans un premier temps, la réécriture se glissant ici et là entre les coupes faites dans la prose de Maupassant…


Premier état

Boulogne-sur-Mer 22 janvier
mauvais temps, gros temps,
un bateau de pêche
le bateau de pêche
commandé par le patron Javel
vient de se briser
est venu se briser
22 janvier dans les journaux
on pouvait lire
la consternation
un affreux malheur
bateau de pêche patron Javel
bateau jeté à l’ouest
venu se briser sur les roches
du brise-lames de la jetée.
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Boulogne, par tous les temps
chalutiers, bateau de pêche
sur mer.
Brise-lames sous houle-phrases
grand filet racle le fond
naufrage.
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Boulogne-sur-
Mer affreux mal
en mer mal
heurt
grand malheur sur les rochers
du brise-lames de la jetée
le mauvais temps
ce temps fait craindre encore
nouveaux sinistres
dans les journaux on pouvait lire
quatre hommes et le mousse
ont péri.
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Bateau de sauvetage
lignes envoyées du fusil porte-amarre
malgré le bateau de sauvetage
et les lignes tirées
quatre homme et le mousse
ont péri…
Gros temps
le mauvais temps continue
on redoute vent redouble
de nouveaux sinistres.
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Fracas des lames
sur les brisants – débris.
Dans le brisement des vagues
cinq corps sans vie.
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Il était un bateau de pêche
Il était un bateau de pêche
Qui n’avait ja, ja, jamais chaviré
Qui n’avait ja, ja, jamais chaviré
Ohé, ohé...

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Un bateau de pêche
le bateau de pêche commandé par
le patron Javel…
Patron Javel
aujourd’hui pauvre homme
roulé par la vague
mort sous les débris de son
chalutier fracassé
mis en pièces.
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Le patron
patron Javel
ce patron est-il
le frère du manchot ?
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18 ans plus tôt…
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Autre drame
terrible et simple comme sont
toujours ces drames
épouvante des flots.
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(…)

La précarité des intermittents de l’écriture…

c’est pas poétique

Il y a six mois, le Festival international de poésie de Trois-Rivières au Québec m’invite – surprise et joie d’abord. Il se déroule deux semaines à cheval entre fin septembre et début octobre. Les responsables du festival précisent que le voyage de Paris à Montréal doit être pris en charge par le pays d’origine, qu’il suffit d’en faire la demande auprès de sa région – les choses semblant habituelles et simples, je tente d’y croire ; quelques amis poètes consultés m’apprennent qu’à Lyon, à Bordeaux, nulle difficulté pour que le voyage soit assumé par la région d’origine – j’y crois. Je commence les démarches, et les multiplie : région, ville, association France-Québec, Culture France, intermédiaires, ambassade, rien n’y fit… Je finis par demander combien les lectures publiques (dans les nombreux lieux de Trois-Rivières, ville universitaire) seront rétribuées (bonne idée : les lectures paieront le voyage en avion), on me répond qu’elles peuvent être en grand nombre chaque jour – pas de problème – mais ne sont pas rétribuées. Pas de forfait de lecture publique comme aux Voix de la Méditerranée, soit, mais : le voyage à ma charge d’une part, et un congé sans solde pendant dix jours : là, non – pas poétique la précarité des intermittents de l’écriture…