J’ai
de l’avenir ?
Je me souviens, mais c’était
il y a longtemps,
Z and two noughts, Z et deux zéros,
de Peter Greenaway, et c’est
un bon souvenir ;
pourtant y sont chantés,
strophes répétitives, lyriques,
le pourrissement des chairs,
filmé en accéléré,
le corps en morceaux, Andréa
Ferréol
perdant ses membres au fur et
à mesure…
Je ne veux pas finir en
poussière sèche,
pas même en brume de
poussière, aussi sèche,
pas tant que la planète n’est
pas
tout entière réduite à ce
gris état ;
sorcière, soeurcière, mais
pas au point du bûcher.
Cendres jetées dans ma chère
Dordogne ? Eh bien
non, le vrombissement du
chalumeau
suivi du petit tas de
poussière grise : ah non.
Je préfère la solitude du
cimetière, partagée
par d’autres humains, vont et
viennent
frères humains qui après moi
rirez,
ceux qui restent, et les
restes. Ainsi
que ne contribuerai-je à
l’existence
des fleurs, terreau, humus,
ce qui n’est pas rien, même
si je confonds un peu
cimetière et jardin public.
Je ne me souviens pas mieux
de Tout sur ma mère,
de Pedro Almodovar, mais
c’est un bon souvenir –
quel âge croyez-vous bien que
j’aie ? –
et pourtant, cette mère qui
perd deux fois un fils,
son unique fils… Il faut
faire vite,
après la mort cérébrale,
chair fraîche si prestement
prélevée…
Peut-on donner un morceau de
soi
pour ceux qui en manquent à
vivre ?
Du morceau de soi au don
d’organe,
y a-t-il bien du chemin, ou
même,
seulement, un chemin ?
Par ici, chemineraient cœur
et poumons,
sièges du souffle – organes
certes,
morceaux de moi, de choix, de
foi
en le vivant fluide et
chaud :
le poumon, oui Monsieur, le
poumon !
Pouls, mon, cœur :
donnez donc !
Certes, oui, j’ai bon appétit
à ce que je lis –
justement, le poumon !
Le poumon, vous dis-je !
Avril 2013
Un sein, une aiguille
à Mireille Désidéri
Un jour, un sein et une
aiguille…
Pourtant, de tous temps, par
tous les temps,
un sein et une aiguille
sont choses, certes,
mais contradictoires,
opposées,
matières discordantes, l’un
chair, l’autre métal,
l’un rond et chaud, l’autre
froide épine,
l’un vit et sent, doux,
palpite,
se tend, soupire et
respire,
l’autre, quoique morte,
blesse et perfore.
Oh jamais, aiguille et sein
ne s’aimeront d’amour tendre.
Nonobstant, dans la vie d’une
femme, il advient
rencontre incongrue, désagréable
surprise,
qu’aiguille et sein se
conjuguent
parce qu’un mé-de-cin sur mon
seul sein
enfonce, gauche, une aiguille
– ponction tout-à-trac
médecin ne demande pas votre
avis
votre vie tout soudain est
dans des mains saines
mais tâtent et ratent
votre sein, saigne,
mal-sain ? Ou sain ? Très sain ?
Tressaillent la femme et ses
seins
tressaillent en elle la vie
et les siens.
Tumeur tumeur, oh cruelle
homophonie… Qu’entends-je qu’entends-je ?
« deux tu-meurs »
dit l’aiguille-médecin…
Existe-t-il des mots
silencieux ?
Certains mots gagneraient à
rester inaudibles :
« tumeur tumeur »,
et puis quoi encore ?
Maintenant il faut attendre,
pas sciemment,
temps passe, temps long, bien
long, et puis un jour :
bénignes les tumeurs – ah
c’est malin !
Je vis, tu vis, je te hume,
tu me humes,
de bonne humeur, nous nous
humons –
à la bonheur !
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