Sylvie Nève
1è partie
Il était une fois un homme
qui avait du bien,
héritage sans doute, vaisselles d’or
et d’argent, carrosses, passacaille,
demeures, passementeries,
meubles en broderies,
il était fort riche.
Cet homme,
pourvu qu’en somme, ou devenu riche,
à la ville, à la campagne,
roturier
plutôt que noble
un riche.
Mais la vie…
L’avait affligé
d’une marque, la vie,
qui lui
valait méfiance et rejet…
Nulle envie
au visage, ni lupus, ni tache de vin,
groseille ou framboise,
ni blanc, ni noir, ni rouge
le poil de sa barbe était
d’homme certes
mais passablement
bleu, et
si bien curieusement bleu qu’on l’appela
Barbe-Bleue.
Il était une fois un homme, un riche,
n’était le poil de sa barbe,
par malheur, bleu.
Terrible
et laide, cette barbe bleue ?
Si terrible laideur
que les femmes et les filles s’en
fuyaient quand
il
la Barbe-Bleue
paraissait…
C’est la Barbe-Bleue
c’est la Barbe-Bleue
pourquoi bleue
c’est la Barbe-Bleue
c’est la Barbe-Bleue
sauve qui peut
Une voisine,
dame de qualité,
avait deux filles
à marier.
Deux filles
très
belles.
Voisine, noble,
à qui la Barbe bleue demande
en mariage
l’une de ses deux
filles,
celle qu’elle choisirait.
Sans dot, les filles,
pauvre, la mère,
quoique noble.
« Choisissez,
j’épouserai
celle que vous voulez »…
Certes argent
mariage
mais…
c’est la Barbe-Bleue
c’est la Barbe-Bleue
remarie qui veut
C’est la Barbe-Bleue
c’est la Barbe-Bleue
sauve qui peut
Cette mère
noble pauvre
et veuve.
Ses filles
belles pauvres
à marier.
Cet homme
qui en a pour son argent.
Elle s’adresse d’abord à l’aînée : « Mariez-vous, ma fille,
vous aurez satisfait une mère, une sœur,
et vous aurez surtout satisfait l’honneur
d’être femme. »
L’aînée prévient sa sœur :
« Notre mère, petite sœur,
la Barbe-Bleue… »
Il était une fois
aînée, cadette, mère
pauvres,
nobles mais pauvres.
La plus jeune se dérobe :
« Ma sœur Anne, faites-lui voir
que nous sommes à peine en âge
de nous marier… »
L’aînée proteste :
« Ah Mère, notre mère,
comment pouvez-vous
nous faire part
d’une telle demande
en mariage…
Mère, nous marier ?!
Notre mère nous marierait à cet homme ?
Comment imaginer
que l’une de nous
ne répugnerait
de satisfaire
à cette demande
satisfaire
votre volonté
satisfaire
cet homme
à la barbe bleue… ?
Amère consolation
que de vous satisfaire… »
La puinée répète : « Sommes-nous en âge, déjà, de nous marier ?… »
S’étonne ou feint : « Mère, voudriez-vous vraiment
que l’une de nous deux épousât un homme à la barbe bleue ?
Sommes-nous en peine de nous marier ? »
L’aînée enfin : « Nous refusons, Mère !
N’était sa barbe bleue,
son veuvage, maintes fois renouvelé,
ne nous dit rien qui vaille…
Quel sort s’acharne à le rendre veuf,
et sans enfant,
ou bien, quelle part prend-il à ce mauvais sort… »
« Oui, Mère, s’exclame la cadette,
ce qui nous dégoûte enfin
c’est de ne pas savoir
ce que ses femmes sont devenues ... »
C’est la Barbe bleue
c’est la Barbe bleue
remariera pas qui veut
(…. à suivre)
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